Vice de procédure et annulation de la sanction disciplinaire
Dans un jugement récent du 31 octobre 2024, le tribunal administratif a annulé la décision de l’Université Bordeaux Montaigne d’exclure M. A C, étudiant en licence d’histoire, pour une durée d’un an. La décision du 17 mai 2024, prononcée par la section disciplinaire de l’université, avait été motivée par plusieurs comportements inappropriés reprochés à l’étudiant. Néanmoins, le tribunal a jugé que la procédure disciplinaire comportait des irrégularités portant atteinte aux droits de l’intéressé, conduisant ainsi à l’annulation de la sanction disciplinaire.
TA Bordeaux, 3e ch., 31 oct. 2024, n° 2403359.
Le contexte de l’exclusion de l’étudiant
M. A C, étudiant en deuxième année de licence, s’était vu reprocher divers comportements à l’égard de ses pairs et de membres du personnel universitaire : messages insultants, menaces et une altercation physique avec un autre étudiant, ayant causé des dégradations matérielles. Ces faits avaient poussé l’université à prendre une mesure d’exclusion pour une durée d’un an, une sanction grave visant à préserver l’ordre au sein de l’établissement.
Des manquements aux droits de la défense et de l’étudiant
M. A C, représenté par son avocat, a soulevé plusieurs arguments concernant le non-respect de ses droits dans le cadre de cette procédure disciplinaire. Parmi les points invoqués :
- Le droit de se taire : En vertu de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, chaque individu dispose du droit de ne pas être contraint de s’auto-incriminer. Or, il a été constaté que M. C n’avait pas été informé de cette possibilité avant de remplir un formulaire « questions/réponses », élément crucial de l’enquête disciplinaire. Cette omission a été jugée comme une atteinte grave au droit de la défense, le privant d’une garantie essentielle dans le cadre d’une procédure de sanction :
« Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C ait été informé qu’il était en droit de se taire pour remplir le document « questions/réponses » qui lui a été transmis en raison de son absence à la commission d’instruction du 12 mars 2024 et que l’intéressé a rempli, comme le précise le rapport d’instruction du 17 avril 2024. Par suite, M. C, qui a fait l’objet d’une sanction disciplinaire ayant le caractère d’une punition, est fondé à soutenir qu’il a été privé de cette garantie et que la décision attaquée a été prise au terme d’une procédure irrégulière » - Absence de conseil juridique : M. C a également soutenu qu’il n’avait pu bénéficier de l’assistance d’un avocat, que ce soit lors de l’enquête disciplinaire ou durant la tenue de la commission disciplinaire. Le tribunal n’a toutefois pas jugé nécessaire de statuer sur ce point, l’annulation étant fondée uniquement sur le manquement au droit de se taire.
- Proportionnalité de la sanction : Bien que l’université ait justifié la gravité de la sanction par les faits reprochés, le tribunal n’a pas eu besoin de se prononcer sur cet argument, l’annulation étant décidée sur la seule irrégularité procédurale.
La décision du tribunal : réintégration immédiate de l’étudiant
Au regard de la violation du droit de se taire, le tribunal a annulé la décision d’exclusion. Il a également ordonné la réintégration immédiate et rétroactive de M. C au sein de l’université, avec le maintien des enseignements acquis, de manière à ce qu’il puisse poursuivre sa scolarité sans interruption de ses droits d’étudiant.
Un rappel aux établissements sur le respect des droits fondamentaux
Cette décision souligne une fois de plus l’importance du respect des garanties procédurales, même dans les instances disciplinaires universitaires. La protection des droits des étudiants, notamment le droit de ne pas s’auto-incriminer, s’impose non seulement aux juridictions répressives mais également aux institutions éducatives. La vigilance quant au respect de ces garanties est indispensable, au risque d’entraîner l’annulation des sanctions prises.
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