Suspension de la fermeture de l’établissement scolaire « La lumière du savoir » : décision du juge des référés
Le 26 juillet 2024, le tribunal administratif de Versailles a suspendu l’exécution de l’arrêté de fermeture de l’établissement privé hors contrat « La lumière du savoir ». Cet établissement, qui accueillait plus de 280 élèves, avait été fermé par arrêté préfectoral pour des manquements en matière de sécurité et de respect des exigences pédagogiques. L’association gestionnaire de l’école a sollicité la suspension de cette fermeture en urgence, invoquant notamment le préjudice éducatif pour les élèves et l’impact social et économique pour l’établissement.
TA Versailles, 26 juill. 2024, n° 2405749.
Contexte de la fermeture et arguments de l’association
La préfecture de l’Essonne avait ordonné, le 18 juin 2024, la fermeture définitive de « La lumière du savoir » après plusieurs inspections ayant révélé des insuffisances en matière de sécurité et des lacunes dans la conformité pédagogique. Ces inspections avaient mis en évidence un manque de séparation entre les locaux scolaires et ceux de la mosquée adjacente, ainsi que des carences dans l’acquisition des compétences du socle commun par les élèves.
L’association « La lumière du savoir » a soutenu en défense que la fermeture mettait en péril l’avenir de l’établissement, ses 40 emplois, ainsi que la scolarisation des enfants inscrits. Elle a souligné plusieurs vices de procédure et des erreurs de fond dans la décision préfectorale, notamment :
- Insuffisance de motivation et défaut de procédure contradictoire : L’arrêté aurait été pris sans que l’établissement ait eu la possibilité d’apporter pleinement ses observations et sans que les griefs spécifiques soient communiqués en amont.
- Respect des standards pédagogiques : L’association a affirmé que les élèves avaient obtenu de bons résultats, proches de la moyenne nationale au diplôme national du brevet (DNB), démontrant l’efficacité de leur enseignement. L’arrêté reprochait des insuffisances pédagogiques sans fondement, selon l’association, car les élèves qui avaient changé d’établissement avaient continué d’afficher des résultats satisfaisants.
- Adaptations aux mesures de sécurité : L’association a indiqué avoir apporté les correctifs nécessaires pour remédier aux problèmes de sécurité, notamment en cessant l’usage des salles adjacentes à la mosquée pendant les heures de cours.
- Violation des droits de l’enfant : La décision de fermeture, selon l’association, ne tenait pas compte de l’intérêt supérieur des enfants, un principe fondamental inscrit dans la convention internationale des droits de l’enfant.
La décision du juge des référés : Suspension de la fermeture
Sur la condition d’urgence
Le juge des référés a estimé que la condition d’urgence était remplie, car l’exécution immédiate de la fermeture entraînait des conséquences graves pour l’établissement, empêchant la rentrée scolaire prévue pour septembre 2024 et compromettant la situation financière de l’association. La perte des droits de scolarité perçus des familles constituait une menace importante pour la viabilité de l’établissement.
« L’exécution de la mesure de fermeture litigieuse entraîne des conséquences au caractère définitif et immédiat compte tenu de ses effets sur les activités de l’association requérante qui n’est pas en mesure de préparer la rentrée scolaire 2024-2025 ainsi que de ses conséquences financières, l’association étant privée de ses seules ressources constituées par les droits de scolarité perçus auprès des familles des élèves. En outre, au regard des éléments invoqués sur la nature des griefs formulés à l’encontre de l’établissement, il n’apparaît pas qu’un intérêt public suffisant tenant à la protection de l’enfance et de la jeunesse et au respect du droit fondamental à l’éducation s’attache au maintien de l’arrêté litigieux. Dans ces conditions, la condition d’urgence prévue par les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie. »
Doute sérieux sur la légalité de la décision
Le juge a estimé qu’il existait un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté de fermeture, relevant que certains motifs invoqués par la préfecture, comme l’absence de conformité pédagogique et les questions de sécurité, étaient contestables. En particulier, la mise en demeure initiale ne semblait pas refléter de manière précise les correctifs exigés ni prendre en compte les adaptations mises en place par l’établissement pour remédier aux problèmes soulevés. De plus, le respect des dispositions de l’article L. 442-2 du code de l’éducation, qui fixe les critères de contrôle des établissements privés hors contrat, semblait en question.
« Il résulte de l’instruction que l’association « La lumière du savoir » a pour objet « la formation et l’éducation des jeunes enfants, et notamment la création et la gestion de tous établissements scolaires du premier et second degré et d’infrastructures éducatives () ». Elle gère un établissement d’enseignement privé hors contrat bilingue français-arabe, qui a ouvert en septembre 2013, et qui accueille désormais une quinzaine de classes allant de la maternelle au lycée. A la suite d’un contrôle effectué le 13 février 2023, une mise en demeure a été adressée par la rectrice de l’académie de Versailles à la directrice de cet établissement, en vue de la mise en place d’actions correctrices visant notamment à assurer la sécurité des élèves et à permettre l’acquisition progressive par les élèves du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Après de nouveaux contrôles effectués les 3 avril et 14 décembre 2023, la rectrice de l’académie de Versailles a proposé au préfet de l’Essonne de prononcer la fermeture définitive de l’établissement au regard de la persistance des manquements constatés en matière de sécurité des élèves et d’enseignement dispensé. Après recueil des observations des représentants de l’établissement, la préfète de l’Essonne a, par l’arrêté attaqué, prononcé la fermeture immédiate et définitive de l’établissement. »
La suspension de la décision de fermeture a donc été ordonnée le temps que le juge du fond ne statue. Dans l’attente, l’établissement pourra poursuivre ses activités et accueillir les élèves pour la rentrée.
La vigilance du juge administratif sur le contrôle mené par le Préfet
Cette décision témoigne de la vigilance du juge administratif face aux décisions affectant l’éducation et les droits des enfants, en particulier pour les établissements privés hors contrat. Elle rappelle l’importance du respect des garanties procédurales, notamment la motivation des décisions administratives et l’importance de laisser aux établissements le temps de remédier aux manquements signalés. Le cas de « La lumière du savoir » met en lumière les enjeux de la régulation des établissements scolaires privés hors contrat et la nécessité de concilier sécurité des élèves, respect des standards pédagogiques, et droit à la diversité éducative.
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