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Confirmation de la sanction de l’enseignant impliqué dans une relation inappropriée

La Cour administrative d’appel valide la sanction d’exclusion temporaire d’un enseignant pour manquement aux devoirs professionnels

La Cour administrative d’appel de Nancy a récemment rendu une décision confirmant la légalité d’un arrêté par lequel le ministre de l’Éducation nationale a prononcé une exclusion temporaire de deux ans envers un enseignant pour atteinte à ses devoirs professionnels. Cet arrêt, qui annule le jugement du tribunal administratif de Strasbourg, met en lumière plusieurs principes fondamentaux relatifs aux procédures disciplinaires et au respect des obligations professionnelles dans l’Éducation nationale.

CAA Nancy, 3e ch. – formation à 3, 24 octobre 2024, n° 21NC03020.

Le professeur impliqué dans une relation inappropriée avec une élève mineure de son établissement

L’affaire concerne M. B A, enseignant de lettres modernes, impliqué dans une relation inappropriée avec une élève mineure de son établissement. À la suite d’une condamnation pénale en 2015 pour atteinte sexuelle sur mineure, l’administration avait initialement révoqué M. A en 2016. Cette décision fut annulée en 2019 par le tribunal administratif de Strasbourg pour disproportion des faits et confirmée en appel par la Cour administrative d’appel de Nancy en 2020. En exécution de ce jugement, l’administration a réintégré l’enseignant mais a ensuite pris une nouvelle sanction d’exclusion temporaire de deux ans. Cette nouvelle sanction a été contestée par M. A devant les juridictions administratives.

La confirmation de la sanction disciplinaire initiale

La Cour a considéré que l’autorité disciplinaire avait respecté les procédures et obligations légales dans l’imposition de la sanction, en dépit de l’annulation initiale de la révocation. Plusieurs points fondamentaux ressortent de cette décision :

  1. Prescription des poursuites disciplinaires : La Cour a rappelé que le délai de prescription de trois ans, fixé par l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (alors en vigueur, depuis codifié dans le Code général de la fonction publique), s’applique uniquement si les poursuites disciplinaires n’ont pas été engagées auparavant. Dans cette affaire, l’administration avait engagé la procédure dès 2015, interrompant ainsi le cours de la prescription.
  2. Principe du « non bis in idem » : M. A a soutenu qu’il ne pouvait être sanctionné à nouveau pour les mêmes faits après l’annulation de la révocation. La Cour a rejeté cet argument, soulignant que l’annulation de la révocation n’empêche pas l’administration de prononcer une nouvelle sanction adaptée aux mêmes faits.
  3. Motivation de la décision : La Cour a validé la motivation de l’arrêté du 23 juillet 2019, lequel détaille les faits reprochés à M. A et les considérations de droit qui justifient la sanction. La Cour a jugé que ces éléments permettaient à l’enseignant de comprendre les raisons de sa sanction.
  4. Respect des droits de la défense : Le conseil de discipline avait déjà été saisi en 2016 pour examiner les faits reprochés. La Cour a considéré que l’administration n’était pas tenue de saisir à nouveau cette instance pour la nouvelle sanction, dès lors que les faits n’avaient pas changé.
  5. Proportionnalité de la sanction : En analysant la gravité des faits, la Cour a estimé que la sanction d’exclusion temporaire de deux ans était proportionnée. Compte tenu de la relation d’autorité entre l’enseignant et l’élève mineure, ainsi que de l’atteinte à la réputation du service public, cette exclusion a été jugée appropriée au regard des obligations de dignité et d’exemplarité de l’enseignant.

Extrait de la décision :

« Il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance d’homologation du juge délégué du tribunal de grande instance de Colmar du 16 décembre 2015, rendu dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité, M. A a été reconnu coupable d’atteinte sexuelle sur mineure de quinze ans par personne ayant autorité sur la victime et a été condamné à une peine de quatre mois d’emprisonnement délictuel avec sursis et mise à l’épreuve pendant dix-huit mois. D’une part, si, contrairement aux motifs de l’arrêté en litige du 23 juillet 2019, cette condamnation n’indique pas que les faits reprochés auraient été commis « dans l’enceinte de l’établissement », il résulte du procès-verbal de son audition par les services de police du 16 juin 2015 que l’intéressé a reconnu avoir pris l’élève dans ses bras en salle de classe ou en salle informatique. Dans ces conditions, il n’est pas fondé à soutenir que la sanction prise à son encontre reposerait sur des faits matériellement inexacts. D’autre part, s’il est vrai que la condamnation pénale, dont il a fait l’objet, n’a pas été assortie de la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, que l’enseignant n’a pas cherché à nier les faits, qu’il a admis l’anormalité de son comportement, qu’il a entrepris de sa propre initiative de se soumettre à un suivi thérapeutique et que, tant le certificat médical du 11 avril 2016 établi par son médecin psychiatre, que le rapport d’expertise psychiatrique du 14 octobre 2015 diligenté lors de l’enquête pénale, concluent à l’absence, chez le sujet, de structure pathologique de la personnalité, de manifestation perverse ou déviante et de dangerosité, ainsi qu’à la faiblesse du risque de réitération de l’infraction, les agissements de M. A, dont une partie d’entre eux a été commise dans l’enceinte du collège, n’en restent pas moins, compte-tenu des fonctions qu’il exerce et de sa position d’autorité vis-à-vis de la victime, particulièrement graves.

Les circonstances que la manière de servir de l’enseignant était jusqu’alors exempte de reproche, que les parents de la jeune fille n’ont pas porté plainte et que les événements n’auraient pas eu d’incidence sur la scolarité et les résultats scolaires de l’élève ne sont pas de nature à atténuer la gravité des fautes ainsi commises. De même, M. A ne saurait utilement faire valoir que les faits litigieux remontent à plus de quatre ans à la date de l’arrêté en litige du 23 juillet 2019, dès lors que celui-ci a été édicté à la suite de l’annulation contentieuse de la sanction de révocation prononcée à son encontre dès le 19 juillet 2016.

Dans ces conditions, eu égard à l’exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service, et compte tenu de l’atteinte portée, du fait de la nature des fautes commises par l’intéressé, à la réputation du service public de l’éducation nationale ainsi qu’au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service, la sanction de l’exclusion temporaire de fonctions de deux ans n’est pas disproportionnée au regard de la gravité des fautes commises par l’intéressé. Par suite, le moyen tiré de l’erreur d’appréciation doit être écarté. »

Conséquences de la décision

La Cour administrative d’appel a annulé le jugement initial du tribunal administratif de Strasbourg et confirmé la validité de la sanction d’exclusion temporaire. Elle a également rejeté la demande de M. A visant à obtenir une somme au titre des frais de justice. La décision renforce le pouvoir de l’administration de statuer à nouveau sur des faits graves annulés pour disproportion de la sanction, et non sur leur bien-fondé.

Cette décision souligne la nécessité pour les agents publics, et en particulier les enseignants, de respecter les obligations de conduite professionnelle et de maintenir des relations irréprochables avec les élèves. Elle illustre également le cadre rigoureux des procédures disciplinaires, particulièrement dans les situations de manquements graves, et confirme le droit de l’administration à réévaluer des faits graves tout en veillant à la proportionnalité des sanctions imposées.

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