Le juge administratif impose des obligations de transparence et de rigueur dans l’évaluation des examens professionnels
Dans une décision récente, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé les décisions du jury et de la rectrice de l’académie de Nice relatives au refus d’admission d’une candidate à l’examen du brevet professionnel de préparateur en pharmacie, session 2020 (aujourd’hui le diplôme à évoluer vers un diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques (DEUST) préparateur/technicien en pharmacie). Cette affaire, qui soulève des questions essentielles sur le traitement des évaluations dans un contexte exceptionnel, met en lumière l’obligation pour les autorités académiques de justifier de manière précise et transparente leurs décisions prises à l’encontre des candidats.
CAA Marseille, 6e ch. – formation à 3, 28 octobre 2024, n° 24MA00238.
L’ajournement au brevet professionnel de préparateur en pharmacie à l’origine de la décision
Mme B, inscrite en 2019/2020 pour obtenir son brevet professionnel de préparateur en pharmacie, a vu son admission refusée par le jury de la session de juin 2020 avec une moyenne générale de 9,14/20. Après avoir exercé un recours gracieux infructueux, elle a saisi le tribunal administratif de Nice pour contester la délibération du jury. En réponse, le tribunal administratif a d’abord suspendu l’exécution de la délibération initiale, enjoignant au jury de réexaminer sa situation. Cependant, lors de ce réexamen, le jury a maintenu son refus en considérant que le dossier de contrôle continu de Mme B ne permettait pas de se prononcer sur son niveau de connaissances et de compétences, décision confirmée par la rectrice de l’académie de Nice.
La censure de la cour administrative d’appel
La Cour administrative d’appel, saisie par Mme B après le rejet de sa demande par le tribunal administratif, a estimé que le jury et la rectrice avaient commis des erreurs procédurales dans leur traitement de l’affaire. La Cour a rappelé plusieurs principes et textes encadrant les modalités d’évaluation et de délivrance des diplômes, notamment le décret n° 2020-671 du 3 juin 2020, pris dans le contexte exceptionnel de la pandémie de COVID-19. Ce décret impose aux jurys de tenir compte des notes obtenues dans le cadre du contrôle continu lorsque les épreuves écrites et pratiques ne peuvent pas se dérouler normalement.
Dans son analyse, la Cour a relevé que le jury n’avait pas justifié de manière satisfaisante son incapacité à se prononcer sur le niveau de Mme B à partir de son dossier de contrôle continu, malgré les informations disponibles. La Cour a également noté que le rectorat n’avait pas fourni les éléments du dossier sur lesquels le jury s’était fondé pour prendre sa décision. En l’absence de justifications précises, la Cour a jugé que la délibération du 25 novembre 2020, ainsi que les décisions ultérieures, étaient entachées d’une irrégularité de procédure :
« Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de la décision de la rectrice du 2 décembre 2020 que le jury d’examen au brevet professionnel de préparateur en pharmacie a considéré que le dossier de contrôle continu concernant Mme B, ainsi que les éléments complémentaires que cette dernière avait elle-même transmis, ne lui permettaient pas de se prononcer sur le niveau des connaissances et des compétences de l’intéressée au sens des dispositions de l’article 6 du décret du 3 juin 2020 précité. Mme B soutient que le jury d’examen la déclarant non admise n’a pas respecté les modalités prévues par ce décret et qu’il n’est pas établi qu’il ne pouvait pas se prononcer sur les éléments de son dossier. La Cour a diligenté une mesure d’instruction réclamant les éléments sur lesquels le jury s’est fondé, mais le rectorat n’a pas déféré à cette demande et n’a produit aucun des éléments et documents qui ont conduit le jury à les considérer insuffisants pour se prononcer sur le niveau des connaissances et des compétences de Mme B. Dans ces conditions, la délibération du 25 novembre 2020 déclarant celle-ci non admise, la décision de la rectrice du 22 décembre 2020 se bornant à la convoquer pour des épreuves supplémentaires et la décision prise sur recours gracieux ont été prises en méconnaissance des dispositions du décret du 3 juin 2020 précitées et doivent être annulées. »
Les enseignements de la décision
Cette décision de la Cour impose une rigueur accrue aux jurys d’examen, notamment en matière de justification des décisions d’échec. Elle souligne que, dans le contexte d’une évaluation par contrôle continu, le jury doit explicitement démontrer, documents à l’appui, l’impossibilité de se prononcer sur les compétences du candidat. En cas de circonstances exceptionnelles, telles que la pandémie, les modalités d’évaluation peuvent être adaptées, mais les principes de transparence et d’équité demeurent intangibles.
En plus de l’annulation des décisions attaquées, la Cour a enjoint à la rectrice de l’académie de Nice de procéder au réexamen de la situation de Mme B dans un délai de deux mois. Ce réexamen devra prendre en compte l’ensemble des éléments fournis par Mme B dans son dossier de contrôle continu et respecter les dispositions du décret de juin 2020.
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