Annulation de la décision de la commune de Tassin-la-Demi-Lune de supprimer les menus de substitution dans les cantines scolaires pour erreur de droit
La juridiction administrative a annulé la décision par laquelle la commune de Tassin-la-Demi-Lune a refusé d’abroger sa décision de 2016 de supprimer les menus de substitution dans les cantines scolaires. Cette annulation est fondée sur le constat que le motif invoqué par la commune, basé sur une interprétation erronée des principes de laïcité et de neutralité du service public, est entaché d’une erreur de droit.
TA Lyon, 4e ch., 22 octobre 2024, n° 2303169.
L’abrogation des menus de substitutions contestée
La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) Auvergne Rhône-Alpes a sollicité, par courrier du 16 décembre 2022, l’abrogation de la décision prise en 2016 par la commune de Tassin-la-Demi-Lune de ne plus proposer de menus de substitution dans les cantines scolaires. Face à l’absence de réponse du maire, une décision implicite de rejet est née, que la LICRA a contestée devant le tribunal administratif.
La décision du tribunal administratif
Le tribunal administratif de Lyon a rappelé les principes qui gouvernent le service public de restauration scolaire et les principes de laïcité :
« Aux termes de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».
Aux termes des trois premières phrases du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. ».
Aux termes de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ».
Aux termes de l’article 2 de la même loi : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».
Aux termes de l’article L. 141-2 du code de l’éducation : « L’Etat prend toutes dispositions utiles pour assurer aux élèves de l’enseignement public la liberté des cultes et de l’instruction religieuse ». »
Le tribunal a ensuite souligné la jurisprudence établie par le Conseil d’Etat en matière de repas de substitution au sein des restaurants scolaires :
« S’il n’existe aucune obligation pour les collectivités territoriales gestionnaires d’un service public de restauration scolaire de distribuer à ses usagers des repas différenciés leur permettant de ne pas consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses, et aucun droit pour les usagers qu’il en soit ainsi, dès lors que les dispositions de l’article 1er de la Constitution interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers, ni les principes de laïcité et de neutralité du service public, ni le principe d’égalité des usagers devant le service public, ne font, par eux-mêmes, obstacle à ce que ces mêmes collectivités territoriales puissent proposer de tels repas. » (CE, 3e et 8e ch. réunies, 11 déc. 2020, n° 426483, Lebon)
Le tribunal a enfin fait application de ces principes à la situation de la commune de Tassin-la-Demi-Lune :
« Lorsque les collectivités ayant fait le choix d’assurer le service public de restauration scolaire définissent ou redéfinissent les règles d’organisation de ce service public, il leur appartient de prendre en compte l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les enfants puissent bénéficier de ce service public, au regard des exigences du bon fonctionnement du service et des moyens humains et financiers dont disposent ces collectivités.
Il résulte de ce qui a été dit au point 4 et des écritures en défense que la commune de Tassin-la-Demi-Lune a mis fin à la pratique de distribution de menus de substitution au motif qu’elle méconnaissait les principes de laïcité, de neutralité du service public. Toutefois ces principes ne font pas, par eux-mêmes, obstacle à ce que les collectivités territoriales puissent proposer des repas de substitution dans les cantines scolaires. Ainsi, le motif retenu par la commune pour justifier la suppression de menus de substitution est entaché d’erreur de droit.«
Le tribunal administratif a donc censuré la commune qui avait invoqué pour seul motif de retrait des menus de substitution que ces derniers méconnaissaient les principes de laïcité et de neutralité du service public sans invoquer un quelconque autre motif (financier ou d’organisation). Ces repas ne portant pas atteinte à ces principes, les communes étant libres de les proposer, la commune a commis une erreur de droit en se fondant sur cette interprétation pour un mettre un terme à leur distribution.
La réintroduction des menus de substitution dans les cantines scolaires
« La LICRA est, dès lors et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, fondée à demander l’annulation de la décision implicite de la commune de Tassin-la-Demi-Lune refusant d’abroger la décision de 2016.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Le présent jugement implique nécessairement, que la commune de Tassin-la-Demi-Lune réintroduise le menu de substitution proposé aux élèves inscrits à la restauration scolaire dans les conditions qui existaient avant la rentrée 2016 dans un délai de 6 mois à compter de la notification du jugement. »
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