Le juge des référés rappelle les limites du pouvoir disciplinaire
Un étudiant en pharmacie de l’université de Rouen Normandie, ayant validé son troisième cycle en 2024 et en cours de rédaction de sa thèse d’exercice, a été sanctionné par la section disciplinaire du conseil académique de l’université.
Par une décision du 18 juillet 2025, il a été exclu de tout établissement public d’enseignement supérieur pour une durée de quatre ans, en raison de faits qualifiés d’agressions sexuelles commis entre 2020 et 2024 lors de soirées privées, hors du cadre universitaire.
L’intéressé a saisi le juge des référés afin d’obtenir la suspension de cette sanction, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.
Tribunal administratif de Rouen, ordonnance, 14 août 2025, n° 2503624
L’urgence de la situation de l’étudiant reconnue
Le juge des référés rappelle qu’une mesure peut être suspendue si elle porte une atteinte grave et immédiate à la situation du requérant.
Or, en l’espèce, l’exclusion empêchait l’étudiant de se réinscrire en 2025-2026 et de soutenir sa thèse dans le délai de deux ans prévu par l’arrêté ministériel du 8 avril 2013 pour l’obtention du diplôme d’État de docteur en pharmacie.
Le tribunal relève que :
« La sanction litigieuse a pour effet d’empêcher le requérant de soutenir sa thèse au cours de la présente année universitaire, mais également de faire obstacle à sa réinscription en vue de la soutenir dans le délai prescrit. En conséquence, l’exécution de cette sanction préjudicie de manière grave à sa situation. »
L’université invoquait un intérêt public lié à la protection de la communauté universitaire. Mais le juge observe qu’aucune plainte pénale n’a été déposée, qu’aucun signalement au procureur n’a été effectué et que les faits se sont déroulés hors du cadre universitaire, sans retentissement établi dans l’établissement.
La condition d’urgence est donc regardée comme remplie.
Un doute sérieux sur la légalité de la sanction disciplinaire
L’article R. 811-11 du Code de l’éducation soumet au régime disciplinaire les faits portant atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’université.
Or, selon le tribunal :
« Les soirées au cours desquelles se sont déroulés les faits ont eu lieu, pour l’essentiel, dans des domiciles privés ou en boîte de nuit. (…) Aucune pièce ne permet d’établir qu’une quelconque publicité a été donnée aux faits reprochés, ni au sein de l’université, ni en dehors. »
Il ajoute que :
« L’impact que les faits relatés auraient eu sur la scolarité et la santé des plaignantes n’est corroboré par aucune pièce objective. »
Ainsi, en l’absence de retentissement sur l’ordre ou la réputation de l’établissement, et faute de preuves suffisantes quant aux conséquences invoquées, un doute sérieux existe sur la qualification de ces faits comme fautes disciplinaires.
En conséquence, le juge des référés :
- suspend la sanction d’exclusion de quatre ans jusqu’au jugement au fond ;
- condamne l’université de Rouen Normandie à verser 1 500 € à l’étudiant au titre de l’article L. 761-1 du CJA ;
- rejette les demandes de l’université.
Une décision à retenir en droit de l’éducation
Cette ordonnance rappelle deux enseignements essentiels :
- une sanction universitaire ne peut être maintenue si elle compromet directement la poursuite des études dans les délais réglementaires, sauf intérêt public établi ;
- pour être qualifiés de fautes disciplinaires, des faits commis hors du cadre universitaire doivent avoir un impact réel et prouvé sur le fonctionnement ou la réputation de l’établissement.