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Harcèlement scolaire non établi : l’exclusion avec sursis d’une élève annulée par le juge administratif

Exclusion annulée : le tribunal administratif de Poitiers donne raison à une collégienne

Le 3 juillet 2025, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision de la rectrice de l’académie confirmant une sanction d’exclusion définitive avec sursis prononcée à l’encontre d’une élève de 4ᵉ du collège Puygrelier à Saint-Michel (Charente).

TA Poitiers, 2e ch., 3 juil. 2025, n° 2300732 – Lire en ligne

Les faits à l’origine de l’affaire :

En décembre 2022, le conseil de discipline du collège avait prononcé l’exclusion définitive avec sursis de l’élève B C pour des faits qualifiés de harcèlement envers une camarade. La rectrice de l’académie de Poitiers avait confirmé cette sanction le 16 janvier 2023, malgré un recours administratif préalable introduit par la mère de l’élève.

Mme C a alors saisi le tribunal administratif afin d’obtenir l’annulation de cette décision, estimant la procédure irrégulière, les faits mal établis et la sanction disproportionnée.

L’analyse du tribunal sur les faits de harcèlement :

Les juges ont rappelé qu’il leur appartient de vérifier si les faits reprochés constituent des fautes disciplinaires justifiant une sanction et si celle-ci est proportionnée.

  • Sur la matérialité des faits : si des insultes et moqueries ont bien été reconnues par l’élève, les éléments du dossier ne permettent pas de caractériser une situation de harcèlement scolaire, faute d’éléments attestant d’une détresse avérée de la victime et compte tenu du caractère réciproque des tensions entre les deux adolescentes.
  • Sur la sanction : l’exclusion définitive, même assortie d’un sursis, a été jugée disproportionnée au regard de l’absence d’antécédents disciplinaires, des bons résultats scolaires de l’élève et du caractère isolé des faits établis.

La décision rendue :

Le tribunal a donc :

  • annulé la décision de la rectrice du 16 janvier 2023,
  • enjoint à l’académie de Poitiers de procéder à l’effacement de la sanction du dossier scolaire de l’élève,
  • condamné l’État à verser 1 000 € à la requérante au titre des frais de procédure :

« D’une part, s’il ressort des pièces du dossier que la matérialité des faits d’insultes et de moqueries à l’encontre de cette élève, faits reconnus par B elle-même au cours du conseil de discipline, est établie, il ne ressort pas de ces pièces que les agissements de B puissent être qualifiés de harcèlement. En effet, d’une part, il ressort des pièces du dossier que la relation entre les deux jeunes filles est changeante et alterne des phases conflictuelles et des phases d’amitié depuis de nombreuses années, ce que confirme la mère de B, d’autre part, que l’animosité entre elles est réciproque et, enfin, que l’état de détresse dans lequel se trouverait la jeune fille victime des agissements de B n’est attesté par aucun élément. Dans ces conditions, et alors que la seule élève interrogée par la direction de l’établissement a démenti les éléments rapportés par la victime, la requérante est fondée à soutenir que la matérialité des faits de harcèlement n’est pas établie.

D’autre part, eu égard au caractère isolé des faits matériellement établis de moqueries et d’insultes, à l’absence d’antécédents disciplinaires de B, à ses bons résultats scolaires et à l’absence d’éléments attestant d’un comportement irrespectueux ou violent envers ses professeurs ou camarades, la sanction d’exclusion définitive, même assortie d’un sursis, infligée à l’intéressée apparait comme étant disproportionnée. Par suite, Mme C est fondée à soutenir que la sanction infligée à sa fille par la décision du 16 janvier 2023 de la rectrice de l’académie de Poitiers est entachée d’illégalité.

Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la décision du 16 janvier 2023 par laquelle la rectrice de l’académie de Poitiers a confirmé la sanction d’exclusion définitive du collège Puygrelier avec sursis prise par le conseil de discipline le 8 décembre 2022 à l’encontre de B C doit être annulée. »

Harcèlement scolaire : que retenir de cette décision ?

Cette décision rappelle que si la lutte contre le harcèlement scolaire est une priorité, les sanctions disciplinaires doivent rester proportionnées et solidement fondées sur des faits établis.

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