Handicap et école : le TA de Nancy sanctionne l’inaction de l’Éducation nationale
Le 8 septembre 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a enjoint au recteur de l’académie de Nancy-Metz d’affecter, dans un délai de huit jours, un accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH) individuel et à temps complet à un élève de CM2 atteint d’un trouble du spectre autistique.
Les parents avaient saisi le juge en urgence (art. L. 521-2 du code de justice administrative) après l’absence de décision de la MDPH de Moselle et l’absence de mise en place d’un accompagnement adapté à la rentrée scolaire.
TA Strasbourg, 10 sept. 2025, n° 2507373 – Lire en ligne
Les arguments des parents d’élèves :
M. et Mme D faisaient valoir que leur fils, souffrant d’un trouble du spectre autistique associé à d’autres difficultés (dyspraxie, troubles de l’attention et de l’anxiété), ne pouvait suivre une scolarité normale sans un AESH individuel à temps plein.
Ils rappelaient que l’enfant bénéficiait déjà d’un tel accompagnement depuis 2022 et que son état de santé n’avait pas évolué favorablement. Faute de soutien adapté, il risquait une déscolarisation partielle et une aggravation de ses troubles.
L’analyse du tribunal :
- Sur la compétence : les conclusions dirigées contre la MDPH de Moselle ont été écartées, les litiges relatifs aux décisions (ou carences) de la CDAPH relevant du juge judiciaire. En revanche, la responsabilité du service public de l’éducation pouvait être engagée.
- Sur l’urgence : les certificats médicaux produits établissaient le risque d’une déscolarisation rapide et de conséquences durables pour l’enfant. L’urgence était donc caractérisée.
- Sur la liberté fondamentale : le juge rappelle que l’égal accès à l’instruction, garanti par la Constitution et la CEDH, constitue une liberté fondamentale. En l’espèce, l’absence d’AESH individuel équivalait à une privation d’accès à une scolarisation adaptée, caractérisant une atteinte grave et manifestement illégale.
- Sur l’obligation de l’Éducation nationale : le recteur ne pouvait se retrancher derrière l’absence de décision de la MDPH pour s’exonérer de son obligation de garantir l’accès à l’instruction. Aucune impossibilité matérielle n’était d’ailleurs démontrée.
La décision rendue :
Le tribunal a :
- rejeté les conclusions dirigées contre la MDPH de Moselle pour incompétence de la juridiction administrative,
- enjoint au recteur d’affecter un AESH individuel à temps complet pour l’élève, dans un délai de huit jours,
- rejeté le surplus des conclusions et refusé d’assortir la mesure d’une astreinte :
« En conséquence de tout ce qui précède, et dans les circonstances très particulières de l’espèce, il y a lieu d’enjoindre au recteur de l’académie de Nancy-Metz d’affecter à l’élève C D, à titre provisoire jusqu’à ce que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées se prononce sur la demande présentée par ses parents, un ou une accompagnante d’élève en situation de handicap à titre individuel, à temps complet pour l’horaire hebdomadaire de sa classe de CM2 de l’école de la Fontaine à Vany, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Il n’y a pas lieu d’assortir cette mesure d’une astreinte. »
Que retenir de cette décision ?
Cette décision confirme que :
- le juge des référés peut contraindre l’Éducation nationale à agir immédiatement pour garantir le droit à l’instruction d’un enfant handicapé,
- l’absence de décision d’une MDPH ne saurait justifier une carence du rectorat,
- l’égal accès à l’instruction constitue une liberté fondamentale directement invocable.
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