Dérogation scolaire : inscription imposée pour raisons de santé
Le 12 septembre 2025, le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du maire de Maisons-Alfort des 9 mai et 14 août 2025 refusant l’inscription dérogatoire d’une élève en CP à l’école Jules Ferry. Le tribunal a jugé que le refus compromettait gravement l’état de santé de l’enfant et a enjoint à la commune de procéder à l’inscription sous 3 jours.
TA Melun, 4e ch., 12 sept. 2025, n° 2511856 – Lire en ligne
Le contexte du litige et la demande de la famille de l’élève :
- Les parents, domiciliés à Créteil, souhaitaient que leur fille A D, âgée de 6 ans, poursuive sa scolarité à l’école Jules Ferry de Maisons-Alfort, où elle avait déjà été inscrite, plutôt qu’à l’école Gaspard Monge de Créteil.
- Le maire de Maisons-Alfort a refusé cette dérogation par deux décisions successives (9 mai et 14 août 2025).
- Les parents ont contesté ces refus, en invoquant notamment :
- un vice de procédure (absence de consultation de la commission de dérogation),
- l’incompétence de l’auteur des décisions,
- une motivation insuffisante,
- une erreur manifeste d’appréciation liée à l’état de santé de l’enfant,
- et la méconnaissance du principe d’égalité devant le service public.
Le cadre juridique applicable à l’inscription hors de la commune de résidence :
- Article L. 131-5 du code de l’éducation : possibilité d’inscrire un enfant dans une école hors commune sous conditions.
- Article L. 212-8 et R. 212-21 du même code : obligation pour la commune de résidence de participer financièrement à la scolarisation dans une autre commune, notamment en cas de raisons médicales ou de scolarisation d’un frère/sœur.
L’analyse du tribunal administratif :
- Les parents ont produit un certificat médical et des attestations psychologiques établissant que leur fille souffrait :
- d’anxiété importante,
- de troubles alimentaires graves affectant son poids,
- et que le maintien dans son école habituelle contribuait à stabiliser son état.
- Le tribunal a estimé que le transfert dans un autre établissement aggraverait notablement ses difficultés et compromettrait son état de santé.
- La commune n’a pas démontré que l’école Jules Ferry était dépourvue de places disponibles.
- En conséquence, le refus du maire était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
La décision :
- Annulation des décisions du 9 mai et du 14 août 2025,
- Injonction faite à la commune d’inscrire l’élève à l’école Jules Ferry dans un délai de 3 jours,
- Condamnation de la commune de Maisons-Alfort à verser 3 000 € aux parents au titre de l’article L. 761-1 CJA :
« Les requérants soutiennent que les décisions attaquées sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que leur demande de dérogation est justifiée par l’état de santé de leur fille âgée de 6 ans. A l’appui de leurs allégations, ils produisent un certificat médical du service des urgences pédiatriques du centre hospitalier intercommunal de Créteil et deux attestations émanant de la psychologue clinicienne qui la suit, dont il résulte qu’Emma est une enfant très anxieuse, qui présente d’importants troubles alimentaires ayant des répercussions sur son poids et que le maintien dans le groupe scolaire dans lequel elle a déjà été scolarisée lui permet de surmonter progressivement ses difficultés. Bien que la mise en place d’un PAI soit de nature à aplanir une partie des difficultés rencontrées par A, ainsi que le soutient la commune de Maisons-Alfort, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que le transfert A dans un autre établissement, alors qu’elle a été jusque-là scolarisée dans cet établissement, est de nature à aggraver notablement ses difficultés et de compromettre ainsi gravement son état de santé. Dans ces circonstances et dès lors que la commune de Maisons-Alfort ne soutient pas que l’école Jules Ferry ne dispose plus de place disponible, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être accueilli.
Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens, les conclusions de Mme E et M. D tendant à l’annulation des décisions des 9 mai 2025 et 14 août 2025 par lesquelles le maire de Maisons-Alfort a refusé d’inscrire à titre dérogatoire A D à l’école primaire Jules Ferry au titre de l’année scolaire 2025-2026 doivent être accueillies.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Eu égard au motif d’annulation retenu, il y a lieu d’enjoindre à la commune de Maisons-Alfort d’inscrire à titre dérogatoire A D à l’école primaire Jules Ferry au titre de l’année scolaire 2025-2026 dans un délai de 3 jours suivant la notification du présent jugement. »
À retenir en droit de l’éducation :
- Les raisons médicales constituent un motif prioritaire de dérogation scolaire.
- Le juge tient compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et de son état de santé dans l’appréciation des refus.
- Une commune ne peut refuser une inscription hors secteur lorsqu’il est démontré que le changement d’établissement compromet gravement la santé de l’élève.
- Le contrôle du juge s’exerce au titre de l’erreur manifeste d’appréciation, particulièrement renforcé dans les situations médicales.
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