Maintien de la suspension d’un refus d’autorisation d’instruction en famille par le conseil d’Etat :
Le Conseil d’Etat a été saisi d’un pourvoir en cassation introduit par le Ministre de l’éducation nationale contre une ordonnance de référé suspension rendue par le Tribunal administratif de Dijon. Cette ordonnance suspendait le refus d’ autorisation d’instruction en famille (IEF) opposé par la commission académique du Rectorat au requérant :
« Mme B… C… a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 4 juillet 2022 par laquelle la commission académique du rectorat de Dijon a rejeté son recours préalable contre la décision du 31 mai 2022 par laquelle l’inspectrice d’académie, directrice académique des services de l’éducation nationale de la Côte-d’Or, a rejeté la demande d’autorisation d’instruction dans la famille qu’elle avait formée pour son fils A… au titre de l’année scolaire 2022-2023. Par une ordonnance n°s 2201725, 2201909 du 28 juillet 2022, le juge des référés a suspendu l’exécution de la décision de la commission académique et enjoint au recteur de l’académie de Dijon de lui délivrer une autorisation d’instruire leur fils en famille à titre provisoire.
Par un pourvoi, enregistré le 11 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d’Etat. (…) »
Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 13 décembre 2022, 466623.
La décision du Conseil d’Etat :
Le Conseil d’Etat retient de l’article L. 131-5 du code de l’éducation que, par principe, les enfants qui sont soumis à l’obligation scolaire (jusqu’à 16 ans), sont scolarisés au sein des établissements d’enseignement public ou privé.
Lors d’une demande d’instruction en famille, qui est donc l’exception au principe évoqué précédemment, l’Administration doit rechercher, dans le cadre d’une balance des intérêts (avantages/inconvénients), la forme la plus conforme à l’intérêt de l’enfant.
Confrontée à une demande d’instruction en famille fondée sur un motif relatif à l’état de santé de l’enfant, l’Administration ne peut, dans le cadre de l’application des dispositions R. 131-11-2 du code de l’éducation, limiter cette situation au seul état de santé de l’enfant et se doit « d’autoriser l’instruction d’un enfant dans sa famille lorsqu’il est établi que son état de santé rend impossible sa scolarisation dans un établissement d’enseignement public ou privé ou lorsque l’instruction dans sa famille est, en raison de cet état de santé, la plus conforme à son intérêt ».
L’erreur de droit commise par le Rectorat de Dijon justifiait donc la suspension de ce refus opposé à la famille et l’injonction faite à l’Administration de délivrer cette autorisation d’instruction en famille.
Le rappel du cadre applicable à l’instruction en famille et du traitement des demandes d’IEF :
» Aux termes de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : (…)
Pour la mise en œuvre de ces dispositions, dont il résulte que les enfants soumis à l’obligation scolaire sont, en principe, instruits dans un établissement d’enseignement public ou privé, il appartient à l’autorité administrative, lorsqu’elle est saisie d’une demande tendant à ce que l’instruction d’un enfant dans la famille soit, à titre dérogatoire, autorisée, de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d’une part dans un établissement d’enseignement, d’autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l’issue de cet examen, de retenir la forme d’instruction la plus conforme à son intérêt. »
Le régime spécifique des demandes fondées sur l’état de santé de l’enfant :
Le Conseil d’Etat précise également les conditions dans lesquelles les demandes d’instruction en famille fondées sur un motif relatif à l’état de santé de l’enfant. Pour cela, il prend appui sur les dispositions de l’article R. 131-11-2 du code de l’éducation :
« Aux termes de l’article R. 131-11-2 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue du décret du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction dans la famille : (…)
Il résulte de ces dispositions qu’il appartient à l’autorité administrative, régulièrement saisie d’une demande en ce sens, d’autoriser l’instruction d’un enfant dans sa famille lorsqu’il est établi que son état de santé rend impossible sa scolarisation dans un établissement d’enseignement public ou privé ou lorsque l’instruction dans sa famille est, en raison de cet état de santé, la plus conforme à son intérêt. »
Ainsi, l’état de santé de l’enfant et son impossibilité à être scolarisé dans un établissement scolaire constituent un motif sérieux qui doit justifier que l’Administration autorise l’instruction en famille. «
En limitant l’instruction en famille en raison de l’état de santé au seul cas où l’état de santé de l’enfant fait obstacle à toute scolarisation, la commission académique a bien commis une erreur de droit :
« Pour estimer que le moyen tiré de l’erreur de droit dont serait entachée la décision refusant l’instruction du jeune A… C… dans sa famille était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon s’est fondé sur ce que les dispositions législatives et réglementaires encadrant la délivrance d’une autorisation d’instruction en famille en raison de l’état de santé de l’enfant ne limitent pas la délivrance d’une telle autorisation au seul cas où l’état de santé de l’enfant fait obstacle à toute scolarisation.
Il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu’en retenant que ce moyen était propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision, le juge des référés, eu égard à son office, n’a pas commis d’erreur de droit. Par suite, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse n’est pas fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée. »
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