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Annulation d’une sanction disciplinaire prononcée par une université – Jurisprudence

Sanction disciplinaire université - annulation - jurisprudence

Les faits à l’origine de la sanction doivent être prouvés par l’Université

TA Strasbourg, 2e ch., 1er févr. 2023, n° 2102238

Dans un récent jugement, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un étudiant de l’Institut d’études politiques de Strasbourg (IEP Strasbourg) au motif que les faits à l’origine de la sanction n’avaient été suffisamment qualifiés et prouvés par l’Université de Strasbourg.

« Pour des faits d’antisémitisme et d’agression physique commis à l’encontre d’un autre étudiant, également inscrit à l’IEP, au cours de l’année scolaire 2018-2019. »

La commission disciplinaire de l’université a prononcé à l’encontre de l’étudiant : « une sanction d’exclusion de l’université de Strasbourg pour dix-huit mois dont six mois fermes et douze mois avec sursis, et a ordonné l’affichage anonymisé de la décision dans les locaux de l’IEP de Strasbourg. »

Le contrôle effectif du juge en matière de sanction disciplinaire infligée à l’étudiant :

Dans le cadre de son contrôle, le juge administratif se livre à l’analyse des faits à l’origine de la sanction disciplinaire :

« En l’absence de disposition législative contraire, il incombe à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction, ainsi que leur imputabilité à la personne à laquelle cette sanction est infligée.

Il ressort des énonciations de la décision de la section disciplinaire que la sanction contestée est fondée sur deux séries de faits.

D’une part, la décision évoque des remarques antisémites à l’occasion d’une pièce de théâtre portant sur les rapports entre Israël et la Palestine, un harcèlement poursuivi sur les réseaux sociaux par un groupe dénommé « Zythopo », le fait que l’étudiant mentionné au point 4 s’est vu apposer à l’entrée d’une soirée étudiante une croix gammée sur la main, en lieu et place de la croix simple reçue par les autres participants, ainsi que divers articles de presse décrivant un contexte d’antisémitisme au sein de l’IEP. Toutefois, ces différents éléments sont relevés de manière impersonnelle dans la décision, qui n’en impute aucun à M. B. L’université n’apporte pas davantage de précisions ou d’éléments à cet égard, alors que le requérant produit plusieurs témoignages d’étudiants attestant qu’il est étranger aux faits relevés.

D’autre part, la décision contestée met nommément en cause M. B pour deux incidents : il lui est reproché en premier lieu d’avoir, lors du week-end d’intégration du mois de septembre 2018, chanté des chants négationnistes et antisémites devant un étudiant, après que celui-ci avait, la veille, protesté contre cette pratique, dans le but de le provoquer et de « s’assurer qu’il avait bien compris la leçon » ; il lui est reproché en second lieu d’avoir, lors de la dernière soirée du « BDE 2018/2019 » au mois de mai 2019, bousculé le même étudiant dans les toilettes de la boîte de nuit où se déroulait la soirée, en l’accusant de s’être plaint d’être victime d’antisémitisme lors d’un évènement antérieur, le critérium inter-IEP.

Toutefois, la mise en cause de M. B pour ces deux incidents repose uniquement sur le témoignage de l’étudiant concerné. Or, s’agissant du premier incident, le requérant, qui conteste fermement les accusations dont il fait l’objet, produit plusieurs courriers et attestations circonstanciés d’étudiants présents lors du week-end d’intégration de septembre 2018, qui non seulement ne confirment pas le comportement reproché, mais encore soulignent que l’intéressé s’est, au contraire, en plusieurs occasions, opposé à des débordements à caractère raciste ou antisémite. Quant au second incident, qui selon le témoignage de l’étudiant concerné se serait déroulé début mai 2019 lors d’une soirée étudiante, les éléments fournis par M. B montrent que la soirée dont il est question n’a pu avoir lieu à cette date mais a vraisemblablement eu lieu à la fin du mois de mai, et qu’il n’y était pas présent. Dans ces conditions, le témoignage de l’étudiant concerné ne suffit pas à établir que M. B est l’auteur des faits qui lui sont reprochés, et dès lors qu’aucun autre élément du dossier ne permet de le corroborer, M. B est fondé à soutenir que la sanction prononcée à son encontre n’est pas justifiée en fait.

Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens qu’il soulève, M. B est fondé à demander l’annulation de cette sanction. »

Le contrôle du juge administratif en matière de sanction disciplinaire à l’université

Ce jugement est un excellent exemple du travail réalisé par le juge administratif en matière de sanction disciplinaire. Au-delà du simple contrôle des vices de procédures (convocation, communication du dossier…), le juge administratif se livre à l’analyse concrète des faits ayant conduit l’autorité administrative à prononcer la sanction.

Ce recours au juge offert depuis la suppression de l’appel devant le CNESER ne doit pas être négligé par les étudiants. L’usage de la procédure du référé suspension permet également une saisine rapide du tribunal administratif.

Retrouvez notre actualité et notre page dédiée au droit disciplinaire pour les étudiants.