Exclusion définitive confirmée : la cour administrative d’appel valide la sanction d’un élève pour agression envers une enseignante
La cour administrative d’appel a annulé le jugement du tribunal administratif de Bastia qui avait censuré l’exclusion définitive d’un collégien de Sarrola-Carcopino (Corse). Les juges ont estimé que le geste de l’élève, qualifié d’agression envers une enseignante, constituait une faute grave justifiant la sanction la plus sévère.
CAA Marseille, 6e ch. – formation à 3, 27 oct. 2025, n° 24MA01653 – Lire en ligne
Les faits reprochés au collégien :
Le 4 octobre 2023, un élève de 4e au collège Baleone a saisi le menton de sa professeure d’arts plastiques pour lui tourner la tête, dans ce qu’il a présenté comme une plaisanterie inspirée d’une vidéo virale sur les réseaux sociaux. Ce geste, effectué devant la classe, a provoqué un état de stress chez l’enseignante, craignant notamment que la scène ait été filmée.
Le conseil de discipline a prononcé une exclusion définitive le 16 octobre 2023. Saisi d’un recours administratif, le recteur de l’académie de Corse a confirmé cette sanction le 16 novembre 2023.
Le père de l’élève a saisi le tribunal administratif de Bastia, qui a annulé la décision, jugeant la sanction disproportionnée. Le ministre de l’Éducation nationale a fait appel.
Les arguments du ministre de l’éducation :
Le ministère soutenait que les faits constituaient bien une agression physique, même sans violence caractérisée, et que la sanction était adaptée à la gravité du comportement.
Il rappelait que l’élève, bien qu’ayant de bons résultats, présentait un comportement agité et irrespectueux, justifiant une mesure exemplaire pour préserver le respect dû au personnel enseignant.
L’analyse de la cour administrative d’appel :
Les juges d’appel ont retenu que :
- le geste de l’élève constituait une contrainte physique non consentie, assimilable à une agression,
- l’acte portait atteinte à l’intégrité psychique de l’enseignante,
- le comportement de l’élève s’inscrivait dans un contexte de provocation répétée, relevé dans ses bulletins scolaires.
Malgré les excuses de l’élève et son absence d’antécédents disciplinaires, la cour a jugé que l’exclusion définitive n’était pas disproportionnée.
Le tribunal de Bastia, qui avait annulé la décision pour excès de sévérité, a donc été désavoué :
« Il est constant que, le 4 octobre 2023, à l’occasion d’un cours d’arts plastiques, A… E…, qui se tenait à côté de sa professeure après avoir été autorisé à venir lui montrer au bureau son travail, a prétexté qu’une surveillante appelait celle-ci pour l’amener à tourner la tête en direction de la porte. L’élève a alors saisi le menton de l’enseignante pour faire pivoter sa tête vers lui. Ce faisant, A… E… aurait voulu « faire rire la classe et la professeure » en reproduisant une plaisanterie vue sur un réseau social et pratiquée entre élèves dans la cour de l’école. Ce geste, effectué sans violence mais devant l’ensemble de la classe et qui a engendré chez l’enseignante un état de stress lié notamment à la crainte que la scène ait pu être filmée en vue d’une diffusion sur les réseaux sociaux, constitue une contrainte physique, effectuée par contact direct et par surprise, que le recteur a pu à bon droit qualifier d’agression. Il constitue un manquement grave à l’exigence de respect des élèves envers leurs professeurs et plus globalement, de l’ensemble des membres de la communauté éducative. En outre, s’il ressort des pièces du dossier que A… E… a de bons résultats scolaires, ses bulletins trimestriels soulignent son comportement agité, parfois irrespectueux, et le besoin de se faire remarquer. Compte tenu de la gravité de l’incident survenu le 4 octobre 2023, et en dépit des circonstances, d’une part, que A… E… a présenté ses excuses à sa professeure, d’autre part, qu’il n’avait jamais été sanctionné jusqu’alors, la sanction de l’exclusion définitive qui lui a été infligée ne présente pas un caractère disproportionné. C’est donc à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a, pour ce motif, annulé la décision du recteur de l’académie de Corse du 16 novembre 2023. »
Quoi retenir en discipline scolaire ?
Cet arrêt rappelle la fermeté de la jurisprudence en matière d’atteinte à la dignité ou à l’intégrité du personnel enseignant. Même lorsqu’un geste se veut humoristique ou impulsif, il peut être qualifié d’agression dès lors qu’il implique un contact physique et provoque un trouble à l’ordre éducatif.
Le juge administratif confirme ici que la protection du corps enseignant prime sur la clémence à l’égard d’actes perçus comme des plaisanteries.
