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Suspension d’une exclusion de 3 ans de tout établissement public d’enseignement supérieur – jurisprudence

Une récente ordonnance du tribunal administratif de Nantes est venue préciser que l’exclusion de tout établissement public d’enseignement supérieur (prévue dans l’échelle des sanctions de l’article R. 811-36 du code de l’éducation) doit être utilisée avec discernement tant les conséquences sur la situation de l’étudiant peuvent être grandes.

Dans cette ordonnance, la disproportion de la sanction est retenue par le tribunal administratif. La sanction est donc suspendue.

Tribunal administratif de Nantes6 avril 2023 / n° 2303936

Les faits à l’origine de l’exclusion de tout établissement public d’enseignement supérieur : des propos homophobes, transphobes, misogynes et racistes

Les faits à l’origine du conseil de discipline étaient d’une particulière gravité :

« M. B a tenu, dans ses réponses au questionnaire organisé par l’association étudiante Centrale Nantes Stonewall en février et mars 2022,  » des propos homophobes, transphobes, misogynes et racistes  » et faisant l' » apologie de tueurs de masse « , propos  » offensants et violents  » qui  » ont été diffusés sur des réseaux sociaux « 

L’étudiant avait déjà été condamné par le tribunal de police pour ces propos et le caractère raciste de ces derniers avait été écarté :

La procédure pénale concomitante à la procédure disciplinaire a abouti à la condamnation de l’étudiant. Le tribunal de police a écarté le caractère raciste des propos tenus par l’étudiant :

« Il résulte tout d’abord de l’instruction, qu’eu égard au mode de diffusion de ses propos, l’intéressé a été renvoyé, non devant le tribunal correctionnel pour  » provocation publique « , mais devant le tribunal de police pour  » provocation non publique à la haine ou à la violence en raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre « , faits constitutifs d’une contravention de 5ème classe. Dans son jugement du 3 janvier 2023, ledit tribunal a par ailleurs condamné M. B, jusqu’alors sans antécédents judiciaires, à deux amendes contraventionnelles de 250 euros intégralement assorties d’un sursis, sans autre peine complémentaire que celle de l’obligation d’accomplir un stage de citoyenneté, alors même qu’il lui était loisible de prononcer une interdiction de port d’arme en application des dispositions de l’article R. 625-8-2 du code pénal en cas de dangerosité de l’intéressé, et a par ailleurs écarté le grief tenant au caractère raciste des propos du requérant, pourtant retenus par la décision de la commission. « 

Pour apprécier la gravité des faits, le juge recherche les répercussions de ses propos sur le fonctionnement de l’établissement :

Une fois le contrôle de la qualification juridique des faits effectué, le juge administratif s’attache à rechercher quelles ont été les répercussions de ces propos au sein de l’établissement :

« Il ne résulte en outre, ni de l’instruction, ni des débats à l’audience, que les faits dont le requérant s’est rendu coupable aient eu une répercussion au-delà de la légitime acrimonie de l’association à l’initiative du questionnaire, de l’association des étudiants de l’école et de la direction de cette dernière. »

Les répercussions des propos tenus par l’étudiant ont donc été mineures au sein de l’établissement et limitées au monde associatif.

Le juge contrôle également les conséquences d’une exclusion de tout établissement public d’enseignement supérieur :

Après avoir contrôlé la qualification de la faute et les atteintes au bon fonctionnement du service, le juge administratif s’assure que la sanction prononcée n’est pas disproportionnée au regard de la situation personnelle de l’étudiant.

En l’espèce, l’exclusion d’un étudiant de 21 ans de tout établissement public d’enseignement supérieur pendant trois ans apparaît disproportionnée :

« Alors même que la sanction prononcée est la sixième dans l’échelle des sanctions qui en comprend sept, de la plus faible à la plus forte, elle exclut l’intéressé, âgé de 21 ans, non seulement de l’ECN, mais également de tout établissement public d’enseignement supérieur pendant trois ans et a pour effet de lui interdire d’achever ses études d’ingénieur ou tout le moins de se réorienter, alors même qu’il n’est pas contesté que ses résultats en tant que lycéen et étudiant démontrent son sérieux et son investissement, à l’abri de tout écart de comportement. Dans ces conditions, le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction au regard de la faute disciplinaire commise est de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée« 

La décision est donc suspendue :

« Article 1er : L’exécution de la décision du 17 janvier 2023 est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint à l’Ecole centrale de Nantes de réintégrer à titre provisoire M. B, en attendant qu’il soit statué au fond sur la légalité de ladite décision, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance. »

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