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A-t-on le droit de prier à l’école ?

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Prier à l’école ? Est-ce possible ?

Peut-on prier dans la cour de récréation ? Un élève peut-il réclamer un endroit où prier à l’école ? Récemment, une polémique a éclaté au sujet d’élèves niçois surpris en train de prier dans la cour de récréation. Le Maire de Nice, Christian Estrosi, a interpellé dans le cadre d’une lettre la Première ministre. La Rectrice de l’Académie de Nice a précisé que : « Ces faits se sont déroulés dans trois écoles niçoises au moment « de la pause méridienne », les proches des enfants expliquant qu’il s’agissait là d’un simple jeu visant à imiter une prière (voir l’intervention de la grand-mère d’un élève sur BFM).

Notre cabinet d’avocat en droit de l’éducation a décidé de revenir sur le cadre applicable à la prière à l’école et les conséquences que cela implique.

Que dit la loi sur la prière à l’école ?

Tout d’abord, il convient de relever les principes applicables au service public de l’éducation (égalité, laïcité, gratuité, neutralité) et les conditions dans lesquelles ces principes s’appliquent au sein des établissements scolaires, lesquelles sont définies au sein du code de l’éducation et ne visent pas chaque situation individuelle qui pourrait se produire mais plutôt à définir un cadre général.

L’article introductif du code de l’éducation vise ainsi directement le principe de laïcité applicable au service public. L’article L. 111-1 dispose que :

« Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération entre les élèves.
Dans l’exercice de leurs fonctions, les personnels mettent en œuvre ces valeurs.
Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté. »

Et l’article L. 141-2 du code de l’éducation précise le respect dû à toutes les croyances religieuses et la liberté de culte et d’instruction religieuse offerts aux élèves :

« Suivant les principes définis dans la Constitution, l’Etat assure aux enfants et adolescents dans les établissements publics d’enseignement la possibilité de recevoir un enseignement conforme à leurs aptitudes dans un égal respect de toutes les croyances.
L’Etat prend toutes dispositions utiles pour assurer aux élèves de l’enseignement public la liberté des cultes et de l’instruction religieuse. »

Cette liberté de culte et d’instruction religieuse justifie qu’elle soit offerte aux parents 1 jour par semaine pour que ces derniers puissent, s’ils le désirent, dispenser un tel enseignement. L’article L. 141-3 du même code en dispose ainsi :

« Les écoles élémentaires publiques vaquent un jour par semaine en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent, à leurs enfants l’instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires.
L’enseignement religieux est facultatif dans les écoles privées. »

En revanche, le port de signes ou tenues par lesquels l’élève manifesterait ostensiblement son appartenance religieuse est interdit au sein des écoles, collèges, lycée publics. L’article L. 141-5-1 du code de l’éducation issu de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 sur la laïcité est explicite sur ce point :

« Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève. »

Ainsi, si le port de signes religieux ostensibles est interdit, l’élève dispose néanmoins d’une liberté de culte qui lui permet, s’il le désire et à condition que cela ne trouble pas le bon fonctionnement de l’établissement, de prier à l’école.

Que dit le juge sur la prière à l’école ?

Le juge administratif n’a pas été saisi directement d’une telle question. En revanche, le Conseil d’Etat a précisé dans un avis sur le foulard islamique l’appréciation et l’interprétation qu’il faisait du principe de neutralité et de laïcité au sein des établissements d’enseignement scolaire.

Ainsi, il rappelle la liberté de conscience et de culte dont disposent les élèves mais également le fait que cette liberté ne peut s’exercer : si celle-ci vient manifestement porter atteinte au bon fonctionnement de l’établissement ; si elle s’exerce de manière ostensible ; ou si elle porte atteinte à la liberté des autres élèves :

« Dans les établissements scolaires, le port par les élèves de signes par lesquels il entendent manifester leur appartenance à une religion n’est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité, dans la mesure où il constitue l’exercice de la liberté d’expression et de manifestation de croyances religieuses, mais que cette liberté ne saurait permettre aux élèves d’arborer des signes d’appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l’élève ou d’autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d’enseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient l’ordre dans l’établissement ou le fonctionnement normal du service public. »
Avis n° 346.893 du Conseil d’Etat – 27/11/1989 – Port du foulard islamique : l’avis disponible en lignel’analyse sur la question du Conseil d’État.

Peut-on prier dans une école publique ? OUI

OUI, comme il vient de l’être précisé : rien ne s’oppose à ce qu’un élève prie au sein d’un établissement scolaire . En revanche, cette prière ne doit pas être ostensible, porter atteinte au bon fonctionnement de l’établissement ou porter atteinte aux libertés des autres élèves.


Les différents types de situation au sein de l’école publique :

Un élève en voyage scolaire peut-il prier ? OUI

Les conditions de la liberté de culte doivent être assurées, mais elles ne doivent pas heurter la liberté de conscience des autres élèves. Ainsi, l’élève doit disposer d’un temps privé où il pourra effectuer sa prière et ce même en voyage scolaire.

Un élève en internat peut-il prier à l’école ? OUI

Le vademecum édicté par l’éducation nationale « La Laïcité à l’école » précise que du fait de son absence de possibilité de quitter l’établissement, l’élève interne doit pouvoir effectuer ses prières au sein de sa chambre :

« Dans la mesure où les élèves en internat ne peuvent pas quitter librement l’établissement en semaine pour pratiquer leur culte, l’administration doit prendre en compte cette circonstance en leur laissant la possibilité de prier individuellement, par exemple dans leur chambre.
Pour autant, l’exercice de cette liberté ne doit pas permettre des pratiques religieuses qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles elles seraient effectuées individuellement ou collectivement ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l’élève ou d’autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d’enseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient l’ordre dans l’établissement ou le fonctionnement normal du service public (CE, avis, 27 novembre 1989, n° 346.893). »

Peut-on interdire les prières au sein d’un établissement scolaire ? OUI

L’exercice de la liberté de culte ne doit pas troubler le fonctionnement de l’établissement (menaces, prosélytisme, violences, pressions…). Au regard des événements et répercussions que pourrait avoir une prière dans l’établissement, ce dernier pourrait encadrer ou restreindre le droit à la prière pour un élève. En revanche, l’établissement devra veiller à ne pas imposer une interdiction générale ou absolue qui pourrait être sanctionnée par le juge (voir l’arrêt de principe proportionnalité des mesures de police).

Peut-on prier au sein d’un établissement privé ? OUI

Le principe de laïcité n’est pas applicable au sein des écoles privées, le culte peut donc y être organisé et l’élève peut disposer du droit de prier.

Un professeur peut-il prier au sein de l’école ? Un ATSEM peut-il prier à l’école ? NON

La Charte de la laïcité dans les services publics (Circulaire n° 5209/SG du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les services publics) précise le devoir de neutralité auquel l’agent est tenu. Ainsi, un professeur, un personnel de l’école ne peut pas prier au sein de l’établissement scolaire au risque que cela constitue une atteinte au principe de neutralité :

« Tout agent public a un devoir de stricte neutralité. Il doit traiter également toutes les personnes et respecter leur liberté de conscience.
Le fait pour un agent public de manifester ses convictions religieuses dans l’exercice de ses fonctions constitue un manquement à ses obligations.
Il appartient aux responsables des services publics de faire respecter l’application du principe de laïcité dans l’enceinte de ses services.
La liberté de conscience est garantie aux agents publics. Ils bénéficient d’autorisations d’absence pour participer à une fête religieuse dès lors qu’elles sont compatibles avec les nécessités du fonctionnement normal du service. »

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