Aller au contenu
Accueil » Publications » Liberté d’expression du lycéen : précisions du juge administratif

Liberté d’expression du lycéen : précisions du juge administratif

Le lycéen dispose de la liberté d’expression au sein de son établissement

Un lycéen dispose-t-il de la liberté d’expression au sein de son établissement ? Oui et le tribunal administratif de Strasbourg vient de le rappeler lors d’une affaire portant sur l’annulation d’une exclusion définitive.

Il était reproché à l’élève d’avoir « annoncé en début d’année qu’elle refuserait de se mettre en tenue de bain pour des cours de natation ». Cette annonce et un débat en classe sur les caricatures de Charlie Hebdo ayant selon le recteur d’académie provoqué un trouble dans l’établissement. L’élève aurait outrepassé son libre droit d’expression.

Le tribunal administratif va retenir l’absence d’effets des propos tenus par l’élève et l’absence de conséquence sur le bon fonctionnement de l’établissement pour prononcer l’annulation de la sanction. Le tribunal rappelle la liberté d’expression dont dispose le lycéen :

« En premier lieu, le recteur de l’académie de Strasbourg reproche à l’élève d’avoir, lors d’une discussion avec un enseignant à l’issue d’un cours sur la laïcité, dit au sujet des caricatures publiées dans le journal Charlie Hebdo : « qu’ils avaient intérêt à avoir eu ce qu’ils ont eux », puis que « les lois du Coran sont supérieures aux lois de la République » et « caricaturer le prophète ou lui manquer de respect est très grave, même vous monsieur nous ne pouvez pas ».

Toutefois, les pièces du dossier, en particulier les témoignages des différentes personnes présentes lors de cette discussion, qui sont contradictoires, ne permettent pas d’établir que le contenu et le sens précis des paroles effectivement prononcées par l’élève correspondent aux propos qui lui sont reprochés. En outre, les personnes présentes témoignent toutes du caractère calme des échanges, et pour la majorité d’entre elles de ce que l’élève a critiqué les caricatures sans pour autant faire l’apologie des attentats dont a été victime le journal. Au regard de l’ensemble de ces éléments, les faits d’apologie du terrorisme reprochés à l’élève ne peuvent être considérés comme établis.

En deuxième lieu, le recteur de l’académie de Strasbourg reproche à l’élève, de manière plus générale, son discours hostile aux caricatures et à toute critique ou restriction des pratiques religieuses, et le fait qu’elle a annoncé en début d’année qu’elle refuserait de se mettre en tenue de bain pour des cours de natation.

Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la jeune fille ait outrepassé les limites de la liberté d’expression reconnue à chaque élève. L’annonce de son refus de se mettre en tenue de bain, qui n’a jamais été mis en œuvre faute de cours de natation avant son exclusion de l’établissement, n’excède pas non plus les limites de sa liberté d’expression.

(…)

Il résulte de tout ce qui précède qu’aucune des fautes reprochées à l’élève n’est établie ou ne lui est imputable. Son père est par conséquent fondé à demander l’annulation de la décision du 8 décembre 2022 par laquelle le recteur de l’académie de Strasbourg a confirmé la sanction d’exclusion définitive prononcée par le conseil de discipline du lycée Scheurer-Kestner à son encontre. »

TA Strasbourg, 2e ch., 21 juillet 2023, n° 2300638

Retrouvez nos autres articles en droit de l’éducation sur notre page dédiée.