TA Cergy-Pontoise, 1re ch., 17 janv. 2023, n° 2007707
Une décision qui va intéresser tous les parents concernés par une demande d’affectation scolaire hors secteur (inscription dans une commune/arrondissement différent du secteur de résidence) ou dérogatoire (par exemple le Collège Lakanal, le lycée Henri IV, le lycée Louis le Grand, le collège/lycée Cordorcet à Paris).
Dans cette affaire, les parents de l’élève de CM2 avaient sollicité du directeur académique des services de l’éducation nationale une affectation dérogatoire pour leur fils au collège Lakanal ou au collège Marie Curie de Sceaux. L’académie l’avait affecté au collège Juliot Curie de Bagneux.
Les requérants ont sollicité l’annulation de cette décision devant le juge administratif (en référé suspension et au fond). Le juge va rappeler le cadre applicable aux demandes d’affectation dérogatoire et prononcer l’annulation de cette affectation en raison des vices dont peut être affectée la décision.
Le rappel des règles applicables en matière de demande de dérogation et de motivation des décisions administratives :
Le juge administratif va dans un premier rappeler les principes généraux applicables aux actes administratifs (motivation en droit et en faits) des décisions administratives individuelles défavorables. Dans un second temps, le juge va exposer le cadre règlementaire prévu pour les demandes dérogatoires :
« En premier lieu, aux termes de l’article L. 211-1 du code des relations entre le public et l’administration :
« Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. () ». Et aux termes de l’article L. 211-5 de ce code : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement de la décision ».
Aux termes des dispositions de l’article D. 211-11 du code de l’éducation :
« Les collèges et les lycées accueillent les élèves résidant dans leur zone de desserte. Le directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie, détermine pour chaque rentrée scolaire l’effectif maximum d’élèves pouvant être accueillis dans chaque établissement en fonction des installations et des moyens dont il dispose. Dans la limite des places restant disponibles après l’inscription des élèves résidant dans la zone normale de desserte d’un établissement, des élèves ne résidant pas dans cette zone peuvent y être inscrits sur l’autorisation du directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie, dont relève cet établissement. Lorsque les demandes de dérogation excèdent les possibilités d’accueil, l’ordre de priorité de celles-ci est arrêté par le directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie, conformément aux procédures d’affectation en vigueur. Toute dérogation concernant un élève résidant dans un département autre que celui où se trouve l’établissement sollicité ne peut être accordée qu’après avis favorable du directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie du département de résidence. La demande de dérogation est réputée acceptée si aucune réponse n’a été donnée à l’intéressé à l’expiration du délai de trois mois mentionné en annexe du décret n° 2014-1275 du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l’application du délai de deux mois de naissance des décisions implicites d’acceptation prévu aux articles L. 231-5 et L. 231-6 du code des relations entre le public et l’administration. Le délai court à compter de la date de dépôt de la demande dans le respect d’un calendrier fixé par le recteur d’académie ou le directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie ».
L’absence de réponse à toutes les demandes de dérogation et le défaut de motivation sanctionnés :
Dans la situation soumise au juge administratif, le juge relève un défaut de motivation en ce que l’autorité administrative n’a pas statué sur les deux demandes de dérogation et n’a pas explicité les motifs l’ayant conduit à ce refus :
« La décision attaquée ne mentionne pas les dispositions légales et règlementaires du code de l’éducation sur le fondement desquelles elle a été prise, ne permet pas à ses destinataires de déterminer lequel des deux établissements pour lesquels ils ont sollicité une affectation dérogatoire est concerné par le refus, et ne leur permet pas d’avantage de déterminer si ce refus est fondé sur l’impossibilité d’accorder des dérogations à des élèves extérieurs au secteur ou sur l’absence de places disponibles après que des demandes d’affectation dérogatoire concurrentes à la leur ont été acceptées. Dès lors, M. et Mme A sont fondé à soutenir que la décision litigieuse n’est pas suffisamment motivée.
En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée n’a statué que sur l’affectation dérogatoire de M. C A au collège Lakanal de Sceaux, et non sur son affectation dérogatoire au collège Marie Curie de Sceaux, alors que la demande du 19 juin 2020 des requérants, que les services académiques reconnaissent avoir reçu le 24 juin 2020, exprimait leur volonté d’obtenir une dérogation pour leur fils dans l’un ou l’autre de ces deux établissements. Dès lors les requérants sont également fondés à soutenir que la directrice académique des services de l’éducation nationale n’a pas procédé à un examen particulier et circonstancié de leur demande et à demander l’annulation de la décision litigieuse. »
Annulation par le juge ≠ dérogation acceptée. Le réexamen de la demande de dérogation est ordonné :
Attention, le juge administratif n’ordonne pas au Rectorat de prononcer la dérogation mais seulement de réexaminer la situation de l’élève :
« En demandant au juge d’attribuer une place à leur fils dans l’un des établissements pour lesquels ils ont formulé une demande d’affectation dérogatoire M. et Mme A doivent être regardées comme demandant d’enjoindre à l’académie de Versailles de prendre une décision dans un sens déterminé.
Les motifs d’annulation de la décision attaquée impliquent toutefois uniquement que l’administration procède au réexamen de la demande de dérogation dans les deux établissements souhaités par les requérants. Il y a lieu, dans ces conditions, en application de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, d’enjoindre à l’administration, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement, d’inviter les requérants à confirmer leur demande de dérogation et d’examiner à nouveau celle-ci. »
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